Critics/articles

 

 


Von Marion Zipfel 27. Februar 2010, 04:00 Uhr

Im Elsass liebt man gutes Essen, aber auch die Kunst

Bekannt ist das Elsass vor allem für seine kulinarische Spezialitäten, aber mittlerweile haben auch die Künstler die Region im Osten Frankreichs für sich entdeckt. Schon vor Jahren hat sich der in Liverpool geborene Maler Roger Dale in Straßburg niedergelassen, hier unterrichtet er als Professor an der Ecole des Arts, aber vor allem malt er Landschaftsbilder und dies ausschließlich mit seinem fahrenden Atelier. Sobald das Wetter mitspielt, setzt sich der Künstler in seinen grasgrünen Bus und fährt hinaus, um Ausschau nach einem geeigneten Motiv zu halten. Waldlichtungen, Parkschneisen, stille Wasserläufe haben es ihm angetan. Meist wählt er politisch gefärbte Orte für seine Bilderserien, sei es wie vor einigen Jahren das Konzentrationslager Struthoff in den Vogesen - hier malte er eine Panorama-Serie von 100 Bildern in 50 Tagen - oder aber der Treptower Park in Ost-Berlin. An diesen Park erinnert sich Roger Dale besonders gut "In den 70er Jahren war dies mein erster Eindruck von Berlin, ein Besuch des Treptower Parks inklusive sowjetischer Propaganda war für mich als Student obligatorisch. Jahre später hat sich alles verändert - nur die Landschaft ist geblieben. Da habe ich beschlossen, hier ein Projekt zu machen. Meine Arbeit soll ein Instrument des Zeugnisses und somit der Veränderung sein." Ausgestellt war die Treptower Bildserie schon im Institut Français in Berlin.

Anfangs wirken die Landschaftsausschnitte fast fotografisch, ihr wahre Identität offenbart sich erst später, absichtlich hat sie der Maler teilweise nicht vollendet. Seine neue Bilderserie entstand in Luxor, Ägypten, diese werden erstmals in einer One-man-Show bei der Galerie La Voix du Maitre auf der Art Karlsruhe im März 2010 gezeigt werden, ebenso wie sein großformatiges fünfteiliges Hauptwerk, welches nördlich von Straßburg entstand. (Preis 35 000 Euro).

Raymond Emile Waydelich dagegen zählt zu den Elsässer Urgesteinen. In Straßburg geboren, ist er Allrounder, Maler, Graphiker und Objektkünstler in einer Person. Bekannt ist er vor allem für seinen Bildwitz, seine skurrilen Fabelwesen zierten unlängst die Karosserie eines Minis für BMW. Aber er liebt auch außergewöhnliche Happenings, so hat er vor dem Straßburger Münster eine rund acht Kubikmeter große Waydelich-Gruft geschaffen, die erst im Jahre 3790 geöffnet werden darf. Auf dem meterdicken Betondeckel steht geschrieben: "Hier ruht für die Zukunft ein Teil unserer Erinnerungen". Dokumente wie der Vertrag von Maastricht, aber auch Dinge des Alltags wie Handys, Präservative oder Essensreste hat der "Archäologe der Zukunft" mit ins Grab gegeben. Eigentlich sitzt ihm der Schalk ständig im Nacken, in seinem Atelier hat er schon die Zutaten für seine neueste Installation gerichtet: Jede Menge Posaunen, eine Badewanne und etwas Wasser sollen die Rezeptur für eine Hommage an Glen Miller ergeben, der bei einem Flugabsturz im Ärmelkanal ums Leben kam. Raymond Emile Waydelich wird auf der Art Karlsruhe zu sehen sein, drei Galerien zeigen verschiedene Werke von ihm.

Nicht zu vergessen, ist natürlich der berühmteste Elsässer Künstler. Tomi Ungerer, mittlerweile 78 Jahre alt, hat für die Weltausstellung in Shanghai am 1. Mai dieses Jahr ein eigenwilliges Wasserkraftwerk entworfen. Inspiriert durch die Mühlen im Schwarzwald lässt der Karikaturist seine zwei Frösche in Strapsen gewaltig in die Pedale treten und so erzeugt das Rad der Energie tatsächlich Strom, es wurde am 28. Januar 2010 im Atomkraftwerk Fessenheim erstmals der Öffentlichkeit vorgestellt.

Die Welt + 27/02/10

 


Bahiyyih Nakhjavani

Écrivain/author

Strasbourg - 19/5/2008

Roger’s paintings are like trysts, like assignations with other worlds. They invite you into mysterious gardens and private parks where green lawns spread and expand like pools of water gleaming in the distance. They lure you into living labyrinths of massive trees, towering green and thick with elemental secrets. You are beckoned into them, drawn into their dance of lilting branches, their fathomless depths, their shimmering expanses. You step into them as if onto another planet, knowing that the undiscovered is waiting for you just around the corner, just beyond.

But although there is a weight and a silence in these watchful trees, these layered mountains, you cannot merely walk towards them. This tryst involves flight, entails breathless speed. The gigantic walls of green that beckon you, stalk and shadow you across these velvet swards, seem to swirl like dancers, like dervishes possessed. The surface of the murky pools that mirror their shaggy majesty invite you to run, to fly over their iridescent surfaces. You are compelled to rush pell-mell towards this meeting, along feathered brush strokes, over planetary ‘fields of orient and immortal wheat’. You cannot help but move with eager urgency across these shining bodies of translucent water. Nothing is slow, nothing is heavy about these paintings.
 
Roger’s work bears the insignia of the soul. I found it here, among these landscape triptychs that depict the terrible beauty of other worlds, among these luminous portraits that gleam with the perilous intensity of our own. I found in his paintings the description of the soul, as defined by Baha’u’llah: “Verily I say, the human soul is exalted above all egress and regress. It is still, and yet it soareth; it moveth, and yet it is still. It is, in itself, a testimony that beareth witness to the existence of a world that is contingent, as well as to the reality of a world that hath neither beginning nor end.”

From ‘Gleanings from the Writings of Baha’u’llah’ , page 161 (Baha’i Publishing Trust, 1949)

 


Jean-Claude Crespy

Directeur de l’institut français de Berlin

Roger Dale est un artiste qui travaille sur le motif. Le reportage que vous pouvez voir dans la rotonde, nous le montre à l’œuvre, confronté aux perpétuels changements de la lumière, aux imperceptibles transformations de la perception qui font que ce que nous avons vu ne sera jamais plus tout à fait ce que nous verrons, qui font de notre vie un perpetuum mobile et nous font prendre conscience du Devenir dans lequel nous sommes immergés, nous qui croyons si souvent vivre dans un monde de la permanence.
Et par cette rage à peindre le présent irreprésentable, son travail ne pouvait que rejoindre paradoxalement l’Histoire des hommes, elle aussi en perpétuel changement.

Mais il y a tout d’abord le combat avec l’Ange : tout, dit Roger Dale, conspire contre le tableau. Cette conspiration est d’abord celle des éléments eux-mêmes, insaisissables semble-t-il, et inaccessibles, mais elle s’accompagne d’une conspiration d’un autre type, celle du sentiment d’impuissance dont l’artiste est saisi face à l’ampleur de la tâche : comment fixer l’insaisissable, comment éterniser un moment de la perception sans le durcir dans les traits de l’académisme, en lui laissant ce tremblé, cette grâce fugitive qui nous donne l’impression que l’instant a été peint dans sa fugacité même, et non figé dans quelque éternité fictive, comme celle que les hommes veulent donner à leurs monuments, à leurs temples et à leurs tombes.

Il fut un temps où la peinture avait sa hiérarchie de sujets : il y avait les sujets nobles (peinture religieuse, peinture historique), et les moins nobles (paysage, portrait, nature morte). Roger Dale lui, peint à sa manière ce qui reste de l’Histoire des hommes à travers des paysages. Chacune de ses séries est consacrée à un site où l’Histoire a laissé une trace. Pensons à la série 100 vues de la liberté, ces 100 tableaux réalisés dans l’enceinte du camp de Struthof, mais aussi à Pocitelj, paysages après éclipse, une série réalisée sur le site de cette ville détruite en 1992. Et il y a enfin la série sur Treptower Park que nous découvrons ce soir.

Or ce parc, personne ne l’ignore, est le lieu où se dresse l’un des grands monuments de commémoration de la bataille de Berlin livrée par les soldats russes. Il fut naguère le théâtre des grandes solennités mémoriales de la RDA, un lieu de douleur donc, mais aussi un lieu où un régime d’oppression est venu régulièrement fonder sur les morts la justification de son existence. De tout cela que reste-t-il : plus rien sinon la nature, les arbres, la lumière, les reflets.

Alors l’apparente paix de ces paysages se creuse soudain, et l’on entend derrière ces frondaisons, ces reflets lumineux gracieusement accrochés aux branches, sourdre l’angoisse d’une autre question : que reste-t-il de nous, les hommes, que reste-t-il de nos aventures, de nos souffrances ? La forêt tropicale, on le sait, recouvre en un rien de temps les édifices abandonnés. Mais il n’est pas besoin d’aller si loin. Tout près de nous, à Treptower Park, la nature a déjà fait basculer les ombres des morts dans l’oubli.

Et notre regard se fait question : certes, on reste sensible à la beauté du rendu, mais on s’interroge aussi sur ce cœur obscur des arbres que les irisations ne parviennent pas à faire accéder à la lumière. Qu’y-a-t-il derrière le premier plan, derrière ce qui charme l’œil, ces masses végétales gardent-elles ou non mémoire de nous, ou se nourrissent-elles de nos morts? La Nature, celle que Grünewald, dans l’esprit de son époque, peignait toute animée d’esprit, est-elle si radicalement, si absolument indifférente à ce que nous sommes ?

On le pressent, Roger Dale n’est pas un un chantre des plaisirs de la Nature, la main qui peint, le corps qui œuvre rejoignent ici l’interrogation la plus secrète de l’esprit, celle de sa survie dans la mémoire des hommes et du monde. Et par là, l’acte de peindre s’apparente aux nombreux reflets que nous découvrons dans ces toiles. L’artiste ne juge pas, ne fait aucune morale, et son propos n’est pas de nous édifier. Sa conscience pareille aux profonds reflets où se dédouble la masse végétale, dit à la fois la beauté et l’angoisse, la présence et l’absence, la fureur et la paix, la mémoire et l’oubli.

 


Paul Guerin

Responsable de la communication au CEEAC

Dans l’œuvre peint de Roger Dale (né en 1950, près de Liverpool), la première impression d’une immobilité, commune aux nus, aux natures mortes et aux paysages, complaisante à un désir de reproduction minutieuse, est très vite démentie par les variations – amples et subtiles – de luminosité et de netteté qui contribuent par leur dynamique proprement picturale à l’originalité profonde de son art.

L’immobilité apparente du motif devant lequel le peintre s’expose en plein air à la course du soleil, à l’écoulement des eaux ou, dans l’atelier, à la présence du modèle est tout d’abord troublée par d’insolites divisions de la surface des tableaux. Dans les paysages, la ligne du sol est souvent placée soit très bas, de manière à donner toute leur ampleur aux masses végétales, soit très haut de telle sorte que leur reflet dans l’eau prend le pas sur leur vision « à l’air libre ».

Ce mode de composition met alors le regard au contact d’une touche picturale plus sensible à la puissance d’expansion de la ramure d’un arbre à partir de son tronc - presqu’invisible – que soucieuse du rendu précis de son feuillage. L’énergie déployée par de larges coups de brosse rivalise avec l’élan par lequel ces arbres montent à la conquête d’un ciel réduit à quelques trouées de bleu. Et c’est au contraire du sol que paraît sourdre une lueur diffuse, dans un flou où la couleur marque dans sa libre et uniforme extension son écart de la figuration.

Le grand format de ces peintures ne fait pas que répondre à l’ouverture de l’espace auquel Roger Dale se confronte : si leur largeur offre au regard le champ d’un panoramique, leur composition dans le sens de la hauteur lui donne aussi accès à la temporalité et à la dynamique du tableau.

La partie inférieure du seul nu présenté dans cette exposition laisse en effet visibles la préparation en rouge de la toile, les larges gestes de la pose du bleu tout autant que ses libres coulées en surface. La plus grande luminosité s’est retirée dans la profondeur de la scène, sur la manche d’une chemise et la croisée d’une fenêtre qui n’est d’ailleurs pas sans évoquer le revers d’un châssis. La figure, assise entre la surface vide d’un miroir et un crâne posé près d’elle, baigne dans un flou délibéré, le regard n’approchant l’attrait de sa nudité qu’après avoir ainsi traversé dans la pénombre un « chaos » de peinture.

Cette moderne vanité dévoile plus explicitement que les paysages ce qui dans la peinture de Roger Dale relève selon ses propres termes d’un « combat avec le réel qui conduit, au prix d’une concentration jamais relâchée et d’une absorption du peintre par son motif, à un état quasi-miraculeux d’harmonie où la peinture commence à ressembler au sujet ».

Il y a en effet une troublante affinité entre l’action des gestes sédimentés dans le secret de ces toiles et la transformation de l’image d’un groupe d’arbres par leur reflet à la surface d’une eau apparemment calme. En une discrète métamorphose, les blocs de verdure se fluidifient au fil du courant dans le même mouvement où des touches de couleur claire concentrent sur quelques remous la lumière diffuse d’un ciel repoussé par l’ombre des feuillages. Tout comme on a pu parler à propos de Caspar David Friedrich d’une « dramatisation du paysage », on éprouve devant les tableaux de Dale le sentiment d’une tension surmontée entre des masses de matière vivante, mobile, des flux changeants de lumière – une brèche de ciel a curieusement dans l’une des toiles le profil et la luminosité d’une tornade – et le temps à la fois matériel et humain de la réalisation d’un tableau.

Le fait peu commun que les œuvres de Roger Dale ne portent pas d’indication de date les situe hors d’une durée où l’on pourrait suivre l’évolution d’un style : le choix surprenant de leurs titres (Ne me laisse pas comme cela, Act of the heart…) oriente au contraire l’esprit vers l’expérience sensible, méditative chaque fois risquée avec une égale intensité.

Exécutés sur le motif au cours d’une seule journée, ses paysages semblent avoir fondu dans leur lumière mate tous les moments du jour, jusqu’à laisser affleurer dans Everything draws me to you une dimension « cosmique » où les éléments naturels auraient perdu leurs qualités et surtout leur proximité familières pour laisser entrevoir les forces en jeu dans leur visibilité même. Sous la densité tourbillonnante et vibrante des arbres s’étend un sol dont la consistance est celle de nuées rougeoyantes et dont la courbure libère le regard de toute pesanteur en le projetant soudain au-dessus d’un astre inconnu émergeant de sa nuit…